Arthur d'Arabie
Rimbaud ne présente pas que le visage juvénile que présente tous les recueils qui lui sont consacrés. En avril 2010, une polémique est née autour d'une photo d'un Rimbaud adulte, retrouvée par deux libraires : Alban Caussé et Jacques Desse. Depuis des experts se déchirent pour savoir si le visage de cet homme fatigué, posant devant un hôtel d'Aden, peut être celui du poète des "Illuminations".
Qu'importe la photographie, en réalité. Rimbaud a bien un autre visage. L'homme aux semelles au vent change en prenant son baluchon sur l'épaule pour quitter l'Europe, celle de sa famille et celle de Verlaine. Une autre page se tourne dans sa vie. Sa correspondance prouve qu'il se détourne de la poésie-non de l'écriture, nuance subtile mais essentielle- pour se consacrer au commerce. Il erre beaucoup dans des déserts pas toujours hospitaliers, galère vraiment à trouver du travail, à tel point qu'il accepte de se mêler de n'importe quel négoce, y compris celui des armes. Il restera dix bonnes années en Abyssinie, avant de mourir à Marseille, en 1891.
En mai 1883, il écrit à sa famille "A présent je suis condamné
à errer, attaché à une entreprise lointaine, et tous les jours je perds
le goût pour le climat et les manières de vivre, et même la langue de
l’Europe. Hélas ! à quoi servent ces allées et venues, et ces fatigues
et ces aventures chez des races étranges, et ces langues dont on se
remplit la mémoire, et ces peines sans nom si je ne dois pas un jour
après quelques années pouvoir me reposer dans un endroit qui me plaise à
peu près et trouver une famille, et avoir au moins un fils que je passe
le reste de ma vie à élever à mon idée."